Ô Grand Saint-Nicolas, patron des écoliers,
Apporte-moi des pommes pour mettre dans mes souliers !
Je serai toujours sage, comme un petit ourson,
Je dirai mes prières pour avoir des bonbons !
Venez, venez, Saint-Nicolas !!
Venez, venez, Saint-Nicolas !!
Venez ! Venez, Saint-Nicolas !
Et tralala !!
…
Tralala, oui, c’est ça …
Badaboum, oui !
Saint-Nicolas m’a déçue il y a très longtemps … Il est tombé de son piédestal alors que je n’avais que 6 ans. J’aurais voulu y croire plus longtemps mais il s’est grillé tout seul comme un grand !
Dieu ce que mon cœur de petite fille aurait préféré apprendre de la bouche de ma mère qu’il n’existait pas …
Mais non, en lieu et place d’un aveu de mensonges de la part des grands, Saint-Nic’ a préféré, pour ma part, m’offrir le spectacle lamentable d’un voleur.
Oui, rien que ça … Saint-Nicolas est un voleur !
Je vous raconte ce qui s’est passé ?
Allez, approchez, je vous mets dans la confidence :
J’avais 6 ans et j’étais excitée comme une puce à l’idée de rencontrer le Grand Saint dans un supermarché. Oui, bon, d’accord, ce n’est pas très glamour, ni romantique. Ça ne fait pas vraiment « étoiles dans les yeux, paillettes et conte de fée » mais on fait ce qu’on peut !
Cette année-là donc, mes grands-parents m’avaient embarquée pour aller faire des courses et faire la looooongue file pour rencontrer Saint-Nic, lui faire un bisou, faire un sourire pour la photo et recevoir 3 bonbons. J’étais partagée entre joie et stress parce que, du haut de mes 6 ans, j’avais toujours peur de lui. C’est qu’il est imposant, le grand homme …
Je patiente, je trépigne, je vois d’autres enfants avant moi lui sauter au cou, faire un bisou sur sa barbe velue et repartir le sourire aux lèvres. Je vois aussi, lors de la passation des enfants des bras des parents vers les genoux de Saint-Nicolas, que celui-ci se tortille parfois bizarrement. Il est vieux, il a mal au dos, aux jambes, c’est pour ça …
Arrive mon tour. Joie, stress, pleurs, bisou, photo, 3 bonbons, hop ! me voilà déjà repartie dans les rayons avec mes grands-parents, à la fois fière de l’avoir rencontré et soulagée qu’il ne m’ait pas grondé pour mes 5 bêtises et demi de la semaine dernière.
Le temps passe, mes grands-parents font leurs courses ; vient alors le moment de passer en caisse.
Pas de chance, nous sommes dans la mauvaise file : la dame avant nous ne retrouve plus son porte-feuille. Damned ! Pas de chance !
On lui demande de mettre son caddie de côté le temps pour elle de retrouver son précieux bien, et client suivant ! Ah, c’est nous !
La caissière scanne nos articles, ma grand-mère réceptionne et emballe dans ses sachets plastique, mon grand-père veut payer et … Damned ! Pas de chance non plus ! Plus de porte-feuille !
Là, je ne sais pas pourquoi, c’est sorti naturellement de ma petite bouche qui ne sait jamais la fermer :
- « C’est Saint-Nicolas ! »
- Ah ah ah ! Mais arrête donc de dire des bêtises !
- Si si, c’est Saint-Nicolas, je te le jure !
Évidemment, personne n’écoute jamais une petite fille de 6 ans … Mes grands-parents ont donc fait comme le client précédent, ils ont rangé leur caddie sur le côté. Ma grand-mère est restée à côté à faire le pied-de-grue pendant que mon grand-père refaisait le tour du magasin en espérant « retrouver ses liards », comme il disait.
En repassant près de Saint-Nicolas, je n’ai de nouveau pas pu me taire :
- C’est Saint-Nicolas qui t’a pris tes sous, Bon-Papa ! Regarde, il prend les sous des autres aussi !
Le cri du cœur ! J’avais crié tellement fort que Saint-Nicolas l’avait entendu. Et c’est là que je n’ai plus tout compris : j’ai vu le vieil homme se lever, remonter sa robe et chercher à partir en courant. Sauf que quelques papas et mamans se tenant dans la file l’ont attrapé, ont crié « C’est une honte ! », « OOooohh ! ».
Du haut de mes 6 ans, sans trop comprendre ce que j’avais vu ni pourquoi j’étais pourtant tellement sûre de moi, je venais de griller Saint-Nicolas, en fait un pickpocket de bas-étage qui avait réussi à se faire engager pour l’occasion et qui cachait son butin derrière son trône.
Il m’a fallu des années pour comprendre la réalité des choses. Ce jour-là, pour moi, Saint-Nicolas était devenu, non plus le patron des écoliers, mais le patron des voleurs …
…
C’est bête mais encore maintenant, 33 ans plus tard, lorsque vient la période de Saint-Nicolas, quand mes enfants me demandent pour aller faire une photo avec le Grand Saint, je leur dis non. Je prétexte que je n’aime pas faire la looooongue file et attendre deux heures pour ça. Je leur dis que Saint-Nicolas passera les voir personnellement la nuit du 5 au 6 décembre, qu’ils seront privilégiés d’un tête-à-tête.
En fait, la vérité, c’est que je n’aime plus Saint-Nicolas …
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