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Une grande dame à la tête d’un prestigieux champagne, la Veuve Clicquot.

Barbe-Nicole Ponsardin, la Grande Dame de la Champagne

Elle en a traversé des épreuves ! Toute jeune, Barbe-Nicole Ponsardin épouse François Clicquot. Et chacun pense qu’une grande et belle aventure s’ouvre devant eux. Mais la période est troublée, la vigne frondeuse et lorsque un mari meurt, sa femme ne peut diriger seule une exploitation. Barbe-Nicole va forcer son destin en défiant tant les codes de conduite que les diktats commerciaux.


 

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Le 16 décembre 1777, lorsque nait la petite Barbe-Nicole Ponsardin dans une famille bourgeoise de drapiers rémois, rien ne peut présager du destin extraordinaire que vivra la jeune enfant. Certes, la famille possède la plus grande entreprise de Reims et sa grand-mère n’est autre que la fille de Nicolas Ruinart, une maison de Champagne déjà réputée à l’époque, mais une petite fille de son rang est destinée à vivre une vie de maitresse de maison, dirigeant avec doigté une kyrielle de domestiques. Elle sera, durant des années, avec sa sœur cadette, élevée en ce sens par une mère et un père devenu, entre temps, le plus riche homme d’affaire de la cité champenoise. La Révolution Française éclate lorsque Nicole n’a que 12 ans. Proche de la royauté, le père Ponsardin souhaitait obtenir un titre et la Révolution fait éclater en mille morceaux ses rêves de grandeur. Nicole parfait ses études au couvent royal de Saint-Pierre-Les-Dames, institut pour les jeunes filles de hauts lignages et de très bonne famille. L’établissement est très vite visé par les révolutionnaires. Nous sommes en juillet 1789 et ils sont là, hurlant, chantant et tentant d’ouvrir les portes du bâtiment. Elles finiront par céder. La situation est périlleuse pour les jeunes femmes mais la couturière de la famille Ponsardin, entrée avec la foule, retrouve Nicole et réussit à la secourir, l’habillant en paysanne et lui permet ainsi de quitter l’établissement, bientôt complètement envahi. La période est délicate pour les proches de la famille royale, les hauts fonctionnaires et les hommes politiques. Mais habile politicien, Ponsardin joue avec le vent et finit par se joindre aux Jacobins.

Membre du Conseil de la Ville, le père de Nicole est aussi un ami de la famille Clicquot et c’est naturellement qu’en 1798, Nicole épouse François, fils du banquier et négociant en vins Clicquot-Muiron. Elle a 21 ans. Elle se consacrera donc à sa famille et la naissance de Clémentine, le 20 mars 1800, renforcera encore sa position de femme au foyer.

 


Le destin lance les dés…

 

Chez Clicquot-Muiron, le négoce de vins est, au même titre que celui des tissus et de la laine, une activité annexe de la banque. François travaille avec son père mais la banque l’ennuie et il se passionne pour le vin. Nicole connaît le prix du travail. Dans sa famille, travail et réussite sont des valeurs incontournables. Et très jeune, elle s’intéresse à la politique ainsi qu’aux affaires de son père, qui s’en amuse. La jeune mariée fait de même avec son époux. De questions en visites, elle apprend très vite et son sens du commerce inné est très vite titillé d’autant qu’en cette année 1802, son mari reprend la direction de la société paternelle et décide de lui donner une nouvelle dimension en faisant passer le négoce du vin comme principale activité.


 

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François finira par laisser le négoce de côté, faisant appel à Louis Bohne, un jeune commercial, pour se consacrer pleinement à la production du vin.  Dans un premier temps, il se concentrera sur deux vins blancs ainsi que sur le champagne, qui avait eu, au siècle précédent, ses heures de gloire. Tombé en désuétude avec la disgrâce de la Pompadour qui en avait fait sa signature, le mousseux avait peu à peu disparu. Mais François y croit.  L’affaire démarre bien. En 1804, 60 000 bouteilles sont sorties des caves. Mais la guerre s’en vient et met à mal la production. Après un essai infructueux d’exportation vers l’Angleterre, conquise par Moët, Louis Bohne se met à la recherche d’autres marchés. Mais 1805 se profile mal. Les récoltes sont mauvaises, la société de François décline et il suit moralement et physiquement la progression négative de l’entreprise. On parle de typhoïde, de mauvaise fièvre en évoquant la santé de François. Cette année sera décidément marquée d’une pierre noire. François meurt, officiellement de la typhoïde mais des rumeurs de suicide circulent. Nicole a 27 ans et un enfant de 5 ans. Le père de François, dans sa grande tristesse, pense à vendre la maison.

 


La maison change de main

 

Nicole ne veut pas s’en laisser conter. Avec un apport de 80 000 francs prélevés sur sa cassette personnelle, la jeune veuve rachète la société. Arguant de ses connaissances en commerce, acquises au fil du temps, en épaulant son époux, Nicole gagne l’estime de son beau-père qui accepte d’ajouter 30 000 francs au capital de la société. Si certaines femmes travaillaient comme vigneronnes, une femme cheffe d’entreprise, à cette époque, était impensable. Son beau-père lui propose alors de s’associer avec un viticulteur expérimenté, Alexandre Fourneaux, durant quatre ans. Du côté de la famille Ponsardin, le père est devenu un proche de Napoléon et souhaite devenir maire de Reims. Pour ne pas prendre le risque de voir son père mis en difficulté, de mauvaise grâce, la jeune veuve accepte. La maison Clicquot est toujours, à ce moment-là, composée d’un commerce de laine, d’une banque et de la petite maison de vins. Nicole abandonne très vite les activités annexes pour ne plus se concentrer que sur le champagne. Elle sera secondée par le fidèle Louis Bohne. Les quatre premières années sont extrêmement difficiles, l’Europe est en guerre et l’Angleterre a mis en place un blocus, interdisant l’exportation des marchandises et des transactions en provenance de France. L’Angleterre, Nicole connait. Elle a vécu avec son mari les premières difficultés face aux iliens. Ce que les Anglais ignorent, c’est que la veuve est tenace. Et quand elle veut quelque chose, elle l’obtient toujours. En Russie, les bouteilles de la maison Clicquot sont appréciées par le tsar et sa cour. Bohne a bien travaillé. Malgré la fermeture de la Manche aux bateaux français, il a maintenu le petit marché ouvert en Europe de l’est juste avant le début des hostilités. C’est la guerre ? Les Russes ont pris Reims ? Elle leur fera servir son champagne. Les Français libèrent la ville ? Les officiers recevront en remerciement les caisses au fameux étiquetage jaune. Nicole à très vite, et bien avant les premières notions de marketing, compris les subtilités du marché. En distribuant ses bulles auprès des russes installés en France, elle les rapproche de leur Tsar et en jouant sur le patriotisme, flattant les hauts militaires français, issus de plus grandes familles, elle s’ouvre au commerce intérieur.


 

Seule à la barre

 

En 1810, une nouvelle tuile s’abat sur le domaine. Alexandre Fourneaux quitte la société. Qu’à cela ne tienne, la veuve rachète ses parts, ses champagnes sont appréciés dans les marchés de l’Est et Barbe-Nicole crée une nouvelle entreprise qu’elle nommera Veuve Clicquot Ponsardin.

Faisant fi des diktats britanniques, elle chargera sur des bateaux sa précieuse cargaison, alors que les accords de paix n’ont pas été ratifiés. Elle l’a décidé, dès le début de l’année 1814, le champagne Clicquot s’en ira conquérir le marché russe. Le champagne envoyé provient de la récolte 1811, année exceptionnelle pour les vins que d’aucuns mettent en corrélation avec la Grande Comète observée pour la première fois durant les vendanges. Une aura de mystère voire de mysticité entoure le millésime que l’on s’arrache à prix d’or. Les 10 500 bouteilles envoyées durant cette première année de grand négoce seront suivies de beaucoup d’autres puisque la maison obtiendra le record de 280 000 bouteilles vendues en 1821.

Nicole, devenue baronne par l’anoblissement de son père qui, comme à chaque fois, a changé de veste et retrouvé sa monarchie, n’a pas que le seul commerce pour objectif. Depuis des années, elle cherche à affiner le travail du vin. En étudiant le mélange des crus, des années, elle peaufine son breuvage et lorsqu’elle engage Antoine Müller, c’est pour encore améliorer la qualité de son vin. En imaginant la première table de remuage, elle ignorait que c’était une véritable révolution qu’elle offrait aux champenois. Une nuit, cherchant à éliminer les dépôts jaunissant le futur champagne, elle se souvient des tables de monastère. Celles-ci avaient la particularité d’être creusées à même le bois pour éviter d’utiliser des assiettes et des trous ponctuaient les places pour y fixer les verres. En faisant découper de petits ronds dans sa table de cuisine et en y positionnant les bouteilles, elle se rendit compte que le dépôt redescendait dans le goulot et s’y maintenait. La technique sera finalisée par Müller qui pense à incliner l’entrée des goulots à 45 ° dans les « pupitres » de remuage. Il ne restait plus qu’à « dégorger », soit enlever le dépôt figé, ce qui fut mis au point dès 1818 ! Jalousement gardée, cette dernière invention de Madame Clicquot ne fut découverte qu’avec plusieurs années de retard par son principal concurrent, Moët.

A travers Reims, on ne parle plus que de ça. Fini les rumeurs sur la Veuve que l’on ne respectait du bout des lèvres, eu égard à sa famille et sa belle-famille, terminé les comportements sexistes de ses collègues chefs d’entreprise ! Reims est définitivement conquis. La réputation de la ville s’en voit renforcée et c’est toute l’économie de la cité, puis de la région qui s’en ressent. La veuve de François Clicquot a enfin conquis ses pairs.

Dès 1820, 175 000 bouteilles sont exportées. Et autant seront copiées. La contrefaçon règne en maître, particulièrement en Russie où son champagne est unanimement apprécié. Nicole créera alors la première véritable communication d’entreprise. Un logo sera créé, reprenant l’ancre de la famille Clicquot, les étiquettes seront une nouvelle fois redessinées et une grande campagne de presse sera lancée pour présenter le nouveau « packaging » de la marque et inciter les consommateurs à la plus grande vigilance.

Dans les années 20, après le décès de son père et de Bohne, elle engage un jeune allemand, Eide (Edouard) Werlé. Maître de chais, il voyage aussi à travers l’Europe et les Etats-Unis pour faire connaitre la marque. Pendant ce temps, en France, la contrefaçon s’est aussi organisée. Nicole exigera l’ouverture du procès d’un marchand de vin de Metz, convaincu de la vente illégale d’imitations. Ce sera le premier de l’histoire de la justice. Et Barbe-Nicole le gagnera ! Souvent critiquée, jalousée, Nicole a souhaité une vie plus facile pour sa fille. Clémentine ne reprendra jamais la succession de sa mère. Après le départ de Müller, son beau-fils prétendra reprendre les affaires. Mais considéré comme un vaurien et un joueur, Nicole cédera son entreprise à un autre de ses collaborateurs fidèles, le jeune Edouard Werlé.

A 64 ans, Nicole se retire des affaires, tout en gardant un œil sur la société, en accord avec Edouard.

Le 29 juillet 1866, celle que l’on nomme désormais « La Grande Dame de la Champagne » s’éteint tranquillement. Depuis, la maison n’a plus jamais été dirigée par une femme.


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